ATELIER INTERNATIONAL DE LANCEMENT DU PROGRAMME

ALIMENTATION PATRIMONIALE DES AFRICAINS (ALIPA)

YAOUNDE DU 24 AU 26 MAI 2017

Avec le lancement de l’atelier international du Programme Alimentation Patrimoniale des Africains (ALIPA), tenu du 24 au 26 mai 2017 à Yaoundé, le CERDOTOLA a franchi un pas décisif vers sa montée en puissance. La patrimonisation de la culture africaine est la voie vers laquelle le CERDOTOLA s’est inéluctablement engagé désormais.

La vision du Secrétaire Exécutif, Pr Charles Binam Bikoi, se traduit peu à peu en acte concret avec la mise en route d’ALIPA, lui qui est convaincu que le  développement de l’Afrique est possible à partir de la valorisation et de l’industrialisation de son patrimoine culturel riche et varié.

Lorsque le médecin grec Hippocrate recommandait longtemps avant Jésus Christ «  Que ton aliment soit ton médicament et que ton médicament soit son aliment », il plantait le décor sur la nécessité de faire attention à toute alimentation incongrue et impropre, dans une perspective de préservation de la santé et de l’espèce humaine.  L’alimentation est donc au centre de la vie humaine.

L’atelier de lancement du Programme ALIPA intervient dans un contexte où la libéralisation des marchés et l’industrialisation agroalimentaire de l’Afrique ont entraîné de graves conséquences sur les cultures et les identités alimentaires : uniformisation alimentaire, banalisation du goût, inquiétudes liées à l’alimentation, occidentalisation et globalisation des modes de vie et de consommation, politiques d’alimentation. Il devient difficile de maintenir une gastronomie locale ou du terroir.

Dans un colloque portant sur l’alimentation patrimoniale, Mevellec (1979) a déclaré que l’artificialisation croissante de la chaîne alimentaire a pour corollaire d’un côté la destruction progressive du tissu humain rural et de l’équilibre biologique et, d’un autre côté, la normalisation et l’homogénéisation des modes alimentaires.

L’alimentation africaine contemporaine largement influencée par la mondialisation est marquée par les échanges économiques qui polarisent les modes de vie et les modèles alimentaires.

La renaissance et la libération du peuple africain assujetti depuis des siècles forment un processus qui impose une démarche relevant de l’endogénéité, car seule l’Afrique détient les clés et les moyens de son affranchissement. C’est en partant de cette démarche que le Secrétaire Exécutif du CERDOTOLA regrette l’extraversion de l’Afrique dans le domaine alimentaire et dénonce ces énormes sommes d’argent que les pays africains dépensent pour importer les produits alimentaires. Il a exprimé l’intime conviction que ALIPA est une opportunité unique qui peut industrialiser le patrimoine alimentaire africain et en faire un véritable gisement de ressources et d’emplois, s’inscrivant résolument dans la nouvelle stratégie préconisée sous la forme d’un Contrat social de Développement, à travers le PADETRA – Pacte africain de développement et d’émergence par les traditions, cheval de bataille du CERDOTOLA.

Le CERDOTOLA, institution internationale, panafricaine et mondiale a donc jeté les prémices de l’espoir et du rêve de tout un continent plombé et pourtant soucieux d’un mieux-être. La réflexion sur l’alimentation patrimoniale africaine devra conduire forcément à la détermination et à l’engagement des acteurs à mener, dans les prochains mois, des actions concrètes et visibles en faveur de mets et plats du terroir. Ainsi, anthropologues, économistes, nutritionnistes, agronomes, agroéconomistes, juristes… venant de pays divers : Bénin, Tunisie, Sénégal, Côte d’Ivoire, RCA, Burkina Faso, Cameroun, Gabon, RDC, Brésil, Europe, ont constitué un panel alléchant. Cette qualité des participants a d’ailleurs rassuré le Secrétaire Exécutif, le Professeur Charles Binam Bikoi qui a dit n’avoir aucun doute sur la pertinence des résolutions à l’issue de ce cocktail scientifique d’envergure internationale. La qualité des propositions d’articles présentés par les bons soins du Professeur Esther Ngah, biologiste, nutritionniste et coordonnatrice du programme ALIPA et de l’atelier, mérite d’être saluée en tant qu’elle augure des perspectives heureuses. Elle s’est dit convaincue de ce que « les produits importés sont responsables de nos maux alors que les produits du terroir sont garants de notre mieux être ». C’est à ce titre qu’il faut combattre leur disparition.

Les différents participants à cette rencontre ont su donner leur savoir-faire pour la réussite de cet évènement historique. Que mange l’Africain du 21ième siècle ? s’est demandé le Professeur Charles Binam Bikoi. Il fait constater que l’alimentation de l’Afrique est influencée par les produits occidentaux. Pour lui, il est temps de libérer l’Afrique de la colonisation alimentaire. L’Afrique doit aller à la conquête du marché industriel à travers son alimentation. Ceci semble être le grand défi que se donne le Programme ALIPA, lequel doit largement contribuer à faire la connaissance et la valorisation de l’alimentation africaine, à la libérer culturellement et économiquement. L’atelier ALIPA était axé autour de quatre axes à savoir :

 Axe 1. Aliments patrimoniaux d’Afrique : savoirs locaux, pratiques, transformation, conservation et valorisation. Cet axe vise à étudier les savoirs en termes de production, de variétés et de transformation du patrimoine alimentaire africain.

Axe 2 : Enjeux socio-économiques et culturels de la patrimonisation alimentaire en Afrique. Cet axe s’intéresse particulièrement à la dimension sociologique et anthropologique de l’alimentation patrimoniale et va porter sur la production, la distribution et la consommation.

Axe 3 : Accompagnement institutionnel de la patrimonisation alimentaire en Afrique qui implique la dimension juridique et les problèmes des normes de transformation et de conservation de nos produits. Il souligne un défi de labellisation du patrimoine alimentaire africain.

Axe 4: Le processus de patrimonisation alimentaire qui a interrogé les mécanismes adoptés par les Etats pour protéger les produits dits du terroir.

Les différents exposés et les réflexions des participants ont permis de dégager les volets et les axes d’intervention suivants :

Volet 1 : Recherche et développement

Ce volet important englobe trois domaines d’intervention essentiels :

  • Typologie des aliments patrimoniaux

Ce domaine comporte : aspects fondamentaux : cadre conceptuel, cadre théorique (terminologie, histoire et fondamentaux) ; méthodologies ; inventaires ; identification ; classements ; usages et fonctionnalités (thérapeutique, culturels, nutritionnelles, symboliques…) ; cartographie ; trajectoires (circulation/flux) des aliments ; acteurs ; reterritorialisation/déterritorialisation des mets traditionnels ; mets ; data bases ; femmes dans les chaînes de valeur ; enjeux ; économiques (commerce, tourisme, potentiel de marché) ; sociaux/sociétaux (intégration, identités) ; culturels (rayonnement, légitimation des produits) ; politiques (représentativité et prestige nationaux) ; innovation ; classiques (techniques, technologies, outils et usages, organisation, fonctionnement) ; disruptive (changements socio-culturels, techniques et technologiques).

  • Processus de patrimonialisation en relation avec la biodiversité

Ce domaine d’intervention comporte : la validation méthodologique ; l’identification et l’analyse des risques (de modification, transformation, aliénation, disparition des mets traditionnels) ; la valorisation et promotion du patrimoine (e-commerce, physique) ; la technologie ; organisation ; le commerce ; la socio-culture ; l’économie ; les foires gastronomiques ; les restaurants gastronomiques ; les espaces commerciaux des produits du terroir (dans des GSM et dans des niches) ; les guides/catalogues gastronomiques (plats africains) et touristiques.

  • Démarche et outils d’accompagnement de la patrimonialisation

Le troisième domaine est centré sur : le suivi et le contrôle de la qualité des produits ; la stabilité des procédés et caractéristiques (production, transformation, conditions environnementales…) ; l’uniformisation des méthodes ; le respect des cahiers de charges ; l’harmonisation des procédures de patrimonialisation ; la formation et le renforcement des capacités ; le cadre juridique et institutionnel ; l’état des lieux.

Volet 2 : Formation et coopération

Ce deuxième volet contient deux domaines à savoir :

  • Formation

La formation des acteurs va concerner : les bonnes pratiques de fabrication et d’hygiène ; le renforcement des capacités de la recherche : le recrutement des chercheurs et le renforcement de leurs capacités ; le développement des outils de la recherche ; le renforcement des capacités des administrations (publiques et privées, société civile ; le  développement des curricula.

  • Coopération

Ce domaine va permettre de nouer la coopération avec les Organisations internationales (FAO, OAPI, OMPI, …) ; la coopération Sud-Sud (Tunisie, Sénégal, Bénin, Côte-d’Ivoire, RCA, Burundi, Tchad, Gabon, RDC, etc…) ; la coopération Nord-Sud (France, Brésil, Etats-Unis, etc…).

Volet 3 : Gouvernance d’ALIPA

Le volet sur la gouvernance d’ALIPA consiste pour le CERDOTOLA à créer et à développer le réseau ALIPA ; la mise en place d’un Comité technique (par le CERDOTOLA), l’Animation scientifique ; l’appui au montage de projets ; la recherche de financement et la mise en place des sous-comités spécialisés.

Ainsi qu’on le voit, ALIPA a pris véritablement corps. L’Afrique et les africains ont désormais leur programme d’alimentation patrimoniale. Il s’agit d’un cadre unique et spécifique, d’une initiative innovante et originale qui mérite le soutien et les efforts collectifs. Le CERDOTOLA se réjouit que deux membres du gouvernement Camerounais à savoir Madame le Ministre délégué auprès du Ministre de l’agriculture et du développement rural, représentant Monsieur le Ministre, le Ministre des Arts et de la Culture, la représentante de l’UNESCO, ainsi que de représentants de nombreux départements ministériels, ambassades, organisations internationales, organisations non gouvernementales, aient pris part à l’atelier de lancement d’ALIPA à Yaoundé. Le Secrétaire exécutif salue la participation honorable de toutes les délégations à cet atelier et plus particulièrement celle de la Tunisie qui était conduite par son Ambassadeur au Cameroun.

ALIPA est une nouvelle opportunité pour enraciner l’Emergence du continent ; le CERDOTOLA la place au service de la Renaissance économique de l’Afrique tout en entière, qui passe forcément aussi par l’exigence de se libérer de la colonisation alimentaire.